Yannick Noah veut être tout : champion, entraîneur, artiste, homme d’affaires et chef traditionnel, d’un continent et d’un autre. Moins simple, il l’avouera, que la rédaction d’une ligne biographique sur Wikipedia. Découverts au Cameroun par l’Afro-Américain Arthur Ashe, les talents de tennisman du pré-adolescent seront mis au service de la France où Noah jugera sa reconnaissance fluctuante. Dernier vainqueur français du tournoi de Roland-Garros, il y a 39 ans et après 37 ans de défaites « gauloises », il soulignera qu’il était considéré comme Camerounais lorsque le succès tardait à lui sourire…
La France ne serait-elle qu’une nation chrétienne raciste dont le cœur ne s’offrirait qu’aux arracheurs de trophées ? Malgré un palmarès sportif en dents de scie, Yannick Noah sera sacré onze fois « personnalité préférée des Français » dans un classement Ifop qui, d’ailleurs, fait la part belle aux racines juives migrantes (Jean-Jacques Goldman), subsahariennes revendiquées (Omar Sy) ou encore kabyles assumées (Zinedine Zidane).
À Lire Cameroun : pourquoi Samuel Eto’o et Yannick Noah se font la guerre Comme la carrière sportive n’offre pas de longévité, le jeune retraité franco-camerounais s’inventera chanteur. Caprice ? Il remplira le Stade de France. Caricatural ? Le premier tube « Saga Africa » semblait tiré par les cheveux crépus – tant au niveau des paroles, de l’accent que des arrangements – et Noah reconnaîtra avoir été, un temps, « le nègre de service »…
Saltimbanque consensuel Sa carrière d’artiste allait-elle être aussi courte que celle du sportif ? En 2014, plusieurs concerts seront annulés faute de spectateurs, au point qu’on se demandera si Yannick n’allait pas devenir moins célèbre que son fils basketteur Joakim. Alors que Noah père est introuvable, en 2022, dans le top 50 des « personnalités préférées des Français », son retour médiatique ressemble à un adieu à la France. En février, les médias de l’Hexagone dévoilent sa nouvelle vie de chef du village d’Etoudi, quartier de Yaoundé de 5 000 habitants. Le sportif-chanteur est à ce point roi qu’il reçoit, en juillet, le monarque constitutionnel Emmanuel Macron…
À Lire Cameroun : Yannick Noah et l’affaire de la vraie-fausse raquette Février, juillet puis octobre : la communication ressemble finalement à un billard à trois bandes. Cet automne, avec son album La Marfée, le sexagénaire signe un retour musical plutôt français, si l’on en croit les dates de la tournée hexagonale et le titre de l’opus, qui fait référence à un massif de ses Ardennes maternelles. Quant aux styles musicaux résolument ensoleillés et bigarrés, même celui du titre Back to Africa relève de cette africanité de France notamment distillée, depuis quelques années, par un « diasporap » devenu variété.
Aux chercheurs de poux sur des dreadlocks coupées, Noah répond par l’exhibition généreuse de ses fameuses dents du bonheur. Sa bonhomie ne lui a tout de même pas évité quelques polémiques, au-delà de ses engagements français qu’il a lui-même échoué à présenter comme « clivants ». En 2005, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) de Paul Biya tente de le récupérer en le présentant comme l’un des soutiens du régime. En 2013, sa proximité affichée avec son double compatriote Dieudonné Mbala Mbala écornait son image lisse. Ces dernières semaines, le saltimbanque consensuel révélait un profil de businessman moins candide, à l’occasion de son bras de fer avec Samuel Eto’o, autour de la résiliation du contrat entre la Fecafoot et le Coq Sportif, société française dont le chanteur détient une partie du capital.