Le Grand Palais du Peuple à Pékin s’apprête à accueillir dimanche 16 octobre 2022 un rendez-vous crucial pour la vie politique chinoise : le 20ème Congrès du Parti Communiste Chinois (PCC). Le flashback d’Emmanuel Mba Allo, ancien journaliste et ancien Ambassadeur du Gabon en Chine.
Le Congrès du PCC est un évènement majeur de la vie politique chinoise. Il se déroule tous les cinq ans, à huis-clos et dure généralement une semaine. Cette année, 2296 délégués sont attendus à Pékin. Ils sont tous cadres du PCC et membres civils, militaires ou universitaires.
Le 20ème Congrès de cet automne 2022 est une réunion décisive qui devrait permettre au Président Xi Jinping d’être reconduit à la tête du pays pour un troisième mandat (comme Président de la République), du Parti (comme secrétaire général), et de l’armée (comme président de la commission militaire centrale). Sauf coup de théâtre, Xi Jinping devrait devenir à cette occasion le premier président post-maoïste à se maintenir au pouvoir pour un troisième mandat à la tête du pays. Il ressortira de ce congrès du Parti encore plus puissant. « Trop sans doute » disent certains observateurs de la vie politique chinoise.
Le 20ème Congrès du PCC devrait également élire les autres dirigeants de la Chine pour les cinq années à venir : 205 membres de plein droit et 171 suppléants du Comité central, 25 membres du Bureau politique, et 7 membres du Comité permanent qui forment le cœur du pouvoir en Chine.
« Sans le Parti Communiste, pas de Chine nouvelle ». Ce slogan de l’époque maoïste semble pleinement assumé aujourd’hui par le PCC qui a fêté l’année dernière ses cent ans. Le Parti fondé le 1er juillet 1929 à Shanghai par des jeunes patriotes inspirés par le succès des bolcheviks en Russie, a sorti le peuple chinois de graves souffrances infligées par l’impérialisme, le féodalisme et le capitalisme bureaucratique et compradore en dirigeant une révolution héroïque dont la victoire a été marquée par la fondation de la République Populaire de Chine le 1er octobre 1949. Il a été l’instrument de la transformation en quelques décennies d’un État pauvre en une superpuissance économique, technologique et militaire capable de rivaliser avec l’Amérique.
Depuis sa fondation, le PCC a tenu dix-neuf congrès. Le premier congrès national se tint le 23 juillet 1921 à Shanghai et adopta les premiers statuts et le nom du Parti dénommé « Parti Communiste Chinois ». Le dernier Congrès, le 19ème, s’est tenu du 18 au 24 octobre 2017 à Pékin et à ouvert « une nouvelle ère du socialisme aux caractéristiques chinoises » qui fera de la Chine une grande puissance prospère et respectée.
L’ambition avouée de Mao Zedong, le fondateur du régime communiste, puis de ses successeurs Deng Xiaoping, Jiang Zemin, Hu Jintao, jusqu’à l’actuel Président Xi Jinping, a été de rendre à la Chine sa grandeur passée. « Après avoir franchi rapides et bas-fond dangereux, affronté tempêtes et tourbillons, notre Parti désormais devenu un paquebot, conduit la Chine dans un développement régulier et durable » a déclaré le Président Xi Jinping lors de son discours à la nation du 31 décembre 2020.
Pauvre et isolée il y a quelques années, la Chine, sous l’impulsion du Parti Communiste Chinois, est aujourd’hui la plus belle réussite de développement que le monde n’ait jamais connue. Jamais dans l’histoire de l’humanité, un aussi grand pays – plus étendu que l’Europe des vingt-sept Etats – et le plus peuplé du monde, n’avait connu de telles transformations dans un espace de temps si court. Comme si les Chinois avaient décidé de mettre les bouchées doubles pour rattraper le temps perdu pendant plus de deux siècles, alors que l’Occident et le Japon vivaient leur révolution industrielle. Ce réveil de la Chine provoque une véritable mutation du système international hérité du XXème siècle.
Comment la Chine s’est-elle métamorphosée en si peu de temps ? Avec quelle méthode ? Deng Xiaoping, le père des réformes et de l’ouverture, l’a expliqué dans l’une de ses formules restée célèbre « Nous traverseront la rivière à tâtons, en nous appuyant sur les pierres les plus stables ». Autrement dit, c’est en procédant par étapes, tirant les leçons des expériences des autres pays et les adaptant à sa propre réalité, que la Chine a tracé sa route.
Une transformation époustouflante, due à un changement radical de cap à mi-parcours : à la fin des années 70, après trois années de maoïsme et de grands soubresauts, la Chine prend un virage vers le pragmatisme économique et politique. Le pays qui était « un peu le paria du monde », brouillé avec les deux blocs de la guerre froide et qui a accédé à grand-peine à l’ONU en 1971, sort de son isolement, établit des relations avec les États-Unis (1978) et lance, sous la houlette du « Petit Timonier » Deng Xiaoping la politique de réformes économiques qui l’ouvre aux investisseurs étrangers.
Avec une chance énorme, il a entamé sa transition alors que le monde est également en transition, vers plus s’économie de marché, de privatisation, de mondialisation. La Chine s’ouvre en effet à un moment où d’autres pays sont prêts à délocaliser une partie de leur activité intensive en main-d’œuvre ; elle sait saisir les avantages de cette mondialisation, de ces mouvements de capitaux et de marchandises et s’insère dans cette nouvelle division du monde.
C’est lors de son troisième plénum (session du Comité central) du XIème Comité central qui avait lieu du 18 au 22 décembre 1978, que le Parti Communiste Chinois conduit par Deng Xiaoping, a entériné le lancement des réformes économiques de la Chine, un pays qui émergeait à peine du chaos de la révolution culturelle prolétarienne.
Cette nouvelle « révolution » que le Parti Communiste a lancé en tâtonnant, commence par les campagnes de décollectivisation des terres, puis la disparition des communes populaires. Elle gagne vite les villes. Méfiants vis-à-vis de Shanghai la rebelle, Deng Xiaoping choisit l’extrême sud de cet immense pays pour être le laboratoire de ces réformes. Shenzhen – un petit village de pêcheurs -, Zhuhai, Shantou (province du Guangdong), et Xiamen (province de Fujian), deviennent les premières Zones économiques spéciales (ZES) dès 1980, sous la responsabilité du père du Président chinois Xi Jinping, Xi Zhongxun, à l’époque Vice-Premier Ministre en charge des affaires économiques. Elles ont été étendues à quatorze villes côtières en 1984 et bénéficient d’un régime fiscal particulier destiné à attirer des capitaux étrangers.
L’économie planifiée chinoise s’initie en zigzagant aux mécanismes du marché et ouvre la porte aux investisseurs étrangers. Deng Xiaoping lance ses « quatre modernisations » (industrie, agriculture, sciences et technologies, défense) destinées à sortir la Chine du marasme économique dans lequel elle est plongée. Le fondement de ces réformes est le choix du pragmatisme au nom de l’efficacité, dans un renversement complet des principes dominant pendant la Révolution culturelle.
Les années 1990 ont été celles du décollage économique de la Chine, avec la seconde vague de réformes économiques. Lors d’une tournée dans le sud du pays, aux prix de contorsions idéologiques, Deng Xiaoping apprend aux Chinois qu’il est glorieux de s’enrichir et qu’ils pourront le faire grâce à « l’économie socialiste de marché ». Ce fameux « enrichissez-vous » est repris, on le sait, par François Guizot, le Chef du gouvernement du dernier roi français, Louis-Philippe. En prononçant sa fameuse phrase « Laissez une partie des régions, des entreprises et des individus s’enrichir avant les autres », « Le Petit Timonier » rompait avec l’égalitarisme radical de Mao Zedong.
En 1997, le XVème Congrès du Parti Communiste Chinois entérine les réformes d’ouverture sur le monde lancées par Deng Xiaoping et la décision de la Chine d’entrer à l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC).
Les années 2000 ont vu le renouveau de la Chine millénaire, qui pour la première fois de son histoire, est entrée de son plein gré dans la mondialisation le 11 décembre 2001, après une quinzaine d’années de négociations, la Chine adhère ainsi formellement à l’Organisation Mondiale du Commerce, le temple du libre-échange.
Au plan diplomatique, une Chine ouverte sur le monde est devenue une puissance de plus en plus écoutée et intégrée qui définit le nouvel ordre mondial avec les États-Unis et l’Europe. Par ses jeux olympiques de l’été 2008 et son Exposition universelle de Shanghai en 2010, la Chine a donné avec éclat au monde l’image de sa nouvelle puissance.
Cette montée en puissance de la Chine est le fondement du « rêve chinois » du Président Xi Jinping et la voie nécessaire pour effacer le siècle des humiliations qu’elle a subies depuis la première guerre de l’opium en 840 jusqu’à la fondation de la République Populaire de Chine en 1949.
La Chine a retrouvé le rang parmi les nations qu’aurait dû lui valoir sa géographie, sa démographie et son histoire.
Mao Zedong a relevé la Chine, Deng Xiaoping l’a rendu riche et Xi Jinping la rend forte.
De nos jours, le Parti Communiste Chinois, fort de plus de quatre-vingt-quinze millions de membres détient l’essentiel du pouvoir politique en Chine.
La formule est connue : le Parti décide, le Gouvernement exécute et l’Armée veille.
Par Emmanuel Mba Allo
Ancien Ambassadeur du Gabon en Chine.
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