Si les précédents de Mindoubé, Okinda, PK6 et Kinguelé l’avaient vraiment ébranlé, l’exécutif se serait donné les moyens de concevoir et mettre en œuvre une «politique nationale de prévention et de maîtrise des risques naturels.»
Comme la visite du président de la République, l’émotion suscitée par l’ensevelissement d’une famille se justifie. La nation se devait de témoigner sa compassion à des compatriotes durement éprouvés. Elle avait l’obligation de s’interroger sur les raisons et la portée de ce drame. Au risque d’être accusé de récupération ou de politisation, elle se devait de toucher du doigt, d’aller au fond d’elle-même. Loin d’être la conséquence des seules pluies, de la nature des sols, de la configuration des terrains ou de l’emplacement des habitations, cet éboulement pose la question de l’aménagement du territoire. Il souligne les limites des options prises dans l’organisation de l’espace ou la répartition des hommes et des activités sur le territoire national. En un mot, il met en relief les manquements de la puissance publique.
Urbanisation anarchique
Dans la banlieue de Libreville, sept personnes ont péri suite à un éboulement. Si elle déclenche des réactions au confluent de la colère et de la consternation, cette information interpelle. Où situer les responsabilités ? Quelles réparations ? De quelle nature et de quel montant ? Comment prévenir des drames à venir ? Ces questions ne doivent être ni éludées ni traitées par-dessus la jambe. Loin de tout calcul politicien et avec rigueur, elles doivent être analysées. Comme le clame, depuis de trop longues années, Solange Loubamono, experte cindynicienne, «la mise en place d’une politique de maîtrise des risques d’inondation se présente (…) comme une urgence et une priorité pour (…) le Gabon.» Au-delà du relogement, des mesures de prévention doivent être prises. On peut citer, pêle-mêle, les aménagements, l’entretien des infrastructures, l’opérationnalisation d’un mécanisme d’annonce des crues, le développement de plans d’occupation des sols, la cartographie des zones à risques, la création d’un régime d’assurance…
Ni le président de la République ni le gouvernement ni l’opinion publique ne peuvent l’ignorer : le drame du PK8 est le contrecoup d’une absence de «moyens, c’est-à-dire (de) personnels compétents et (de) budget correspondant aux investissements requis pour l’amélioration des connaissances, la préparation, la protection, la prévention et les aménagements techniques.» N’ayant jamais intégré cette réalité scientifique, l’Etat a livré les populations à elles-mêmes, les laissant à la merci des intempéries. S’étant contenté de promesses sans lendemain, le pouvoir ne s’est pas donné la peine de viabiliser des zones d’habitation, ouvrant la voie à une urbanisation anarchique. Ayant renoncé à édicter des normes de construction, il a facilité le développement des habitats de fortune. S’étant lancés dans une course à l’accaparement des terres voire à la spéculation foncière, les détenteurs de l’autorité publique ont obligé les citoyens à s’installer toujours un peu plus loin, sans tenir compte du relief ou des infrastructures existantes.
Défaillances de l’exécutif
Pourtant, de nombreux spécialistes ont alerté sur les risques naturels, notamment les inondations. Depuis des années, des études ont été menées et des suggestions faites. Comme s’il n’avait cure de toutes ces recommandations, le gouvernement est resté sourd. De ce point de vue, le drame du PK8 pointe ses défaillances, l’invite à une remise en cause. En avril 2020, trois enfants trouvèrent la mort à Mindoubé. En octobre 2019, deux personnes furent emportées au quartier Okinda. En mai 2014, six personnes furent tuées au PK6. En octobre 2013, il y eut trois morts au quartier Kinguélé. A chaque fois, la cause était la même : éboulement ou glissement de terrain. Si ces précédents l’avaient vraiment ébranlé, l’exécutif se serait donné les moyens de concevoir et mettre en œuvre une «politique nationale de prévention et de maîtrise des risques naturels.» Il serait sorti d’une logique de court terme pour se lancer dans la planification stratégique. Même si on ne saurait lui reprocher de chercher à consoler les familles des victimes, on doit l’exhorter à en finir avec le saupoudrage.
D’un point de vue politique, juridique, institutionnel, économique ou social, des mesures doivent être prises. Elles doivent non seulement correspondre à des objectifs clairs mais, doivent être articulées. Surtout, elles doivent s’appuyer sur des études scientifiques. Autrement dit, elles doivent reposer sur des données vérifiées et vérifiables. Dans cette entreprise, le Centre national de recherche scientifique et technologique (Cenarest), notamment l’Institut de recherche en sciences humaines (IRSH), serait d’un précieux apport. Au lieu de la marginaliser ou la minimiser, l’exécutif doit s’appuyer sur l’expertise nationale. Faute de l’entendre, il pourrait faire face à de nouveaux éboulements voire à un glissement de terrain politique. Gare…
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