Invité en tant que panéliste de la première édition du Salon de l’industrie musicale d’Afrique francophone (Sima) les 17 et 18 novembre 2022 à Abidjan, Côte d’Ivoire, sous le thème «À l’ère de la digitalisation, quels sont les enjeux pour l’industrie musicale Africaine ?», le producteur d’artistes, producteur de musique/arrangeur, réalisateur, producteur d’évènements, auteur/compositeur/interprète, Edgar Yonkeu, entend démontrer comment le paiement mobile et le streaming musical mis ensemble peuvent révolutionner le business musical. Dans cette interview accordée à Gabonreview, le fabriquer de talents comme on aime à l’appeler, nous livre quelques pistes de solutions pour la démocratisation du streaming musical en Afrique francophone.
Gabonreview : Vous allez participer à la première édition du Salon de l’industrie musicale d’Afrique francophone, en tant que panéliste. Quelles sont vos motivations et qu’attendez-vous de cette rencontre ?
Edgar Yonkeu : C’est un honneur pour moi de participer au Sima, réfléchir sur ce que sera la vente de l’industrie musicale africaine francophone. Être associé à ce projet est une reconnaissance de la valeur des idées que je peux défendre et la valeur de ce que je peux apporter à la musique. Mais c’est dommage, qu’en tant que Gabonais ce soit en Afrique de l’ouest et dans le reste du continent qu’on m’appelle pour venir donner des idées sur les questions liées à l’industrie de la musique (droit d’auteur, numérisation…). Mon pays que j’aime qui m’a beaucoup donné ne profite pas assez de moi et de mon expérience je trouve. Mais bon, nul, n’est prophète chez soi. Cela dit, l’Afrique est notre continent commun, nous sommes uniques et un.
Est-ce à dire que les autorités gabonaises, ou les acteurs de l’écosystème musical ne savent pas apprécier votre capacité à faire évoluer la musique gabonaise?
Edgar Yonkeu : Vous saviez, on dit que nul n’est prophète chez soi. Le Gabon, c’est chez moi et de fois, il faut la reconnaissance de l’extérieur pour qu’on se dise, ha, il y a un Gabonais qui sait fait ça. Mais je pense qu’avec le nouveau ministère délégué de la Culture qui est un artiste, un très grand producteur avec qui j’ai travaillé, un moment donné, on va pouvoir échanger et aborder de nouvelles idées. Je lui ferai un rapport sur le Sima en lui donnant les nouvelles pistes qu’on aura trouvées.
La vision du Sima est de pouvoir industrialiser la musique en Afrique francophone. Qui sont pour vous les acteurs clés nécessaires à cette industrialisation? Et comment pensez-vous impulser cela ?
Les acteurs clés à ce vaste projet de l’industrialisation de la musique sont à retrouver dans l’écosystème musical. Ce sont les premiers concernés, entre autres, nous pouvons citer : les artistes, les ingénieurs, les managers, les producteurs, les éditeurs des plateformes de streaming et les fournisseurs d’accès internet.
Aujourd’hui, on essaye de reconstruire le droit d’auteur en Afrique, comme il y a 20 ou 30 ans en France. Pour moi, cela n’est plus possible. L’exemple de la Sacem comme elle fonctionne n’est pas possible chez nous. C’est l’avis que je vais défendre au Sima. Aujourd’hui, nous avons la chance dans le tout numérique, c’est-à-dire, un artiste qui est à Koulamoutou, peu en 2 secondes être écouté en Australie, sans avoir besoin de prendre un billet d’avion. Comment fait-il pour gagner de l’argent dessus? Qu’est-ce que cela lui rapporte? Aujourd’hui, nous devons travailler pour apporter aux législateurs des projets pour qu’il légifère, et le Gabon pourra en cela être un exemple, parce que nous avons un président qui adore la musique, qui est musicien compositeur, nous avons un ministre de la Culture qui est producteur.
Si le Streaming est pour vous, un outil sûr pouvant permettre aux artistes de vivre de leur art, comment comptez-vous tirer profit de cette technologie ?
Chaque chanson a une identité unique dans le numérique. C’est la raison, pour laquelle quand vous allez dans une boîte de nuit et que vous écoutiez une chanson qui passe dont vous ne connaissez pas l’auteur, vous mettez Shazam, ça vous donne le titre de la chanson. Donc, il est possible pour nous de dire qu’hier à 14h15, il y a quelqu’un qui a téléchargé la chanson d’Amandine à Akiéni en utilisant l’opérateur X ou Y. Et cela a coûté tel méga que l’opérateur vend à Z franc et que l’artiste a reçu N franc et cela fait un revenu à l’artiste.
L’orque vous télécharger de la musique sur votre mobile, vous dépensez un certain nombre de data qui profite à l’opérateur mobile, et vous recevez sur votre téléphone la chanson téléchargée. Les opérateurs de téléphonie mobile doivent prélever un pourcentage du montant payé et le pourcentage restant doit être partagé entre l’auteur, le compositeur, la plateforme de vente en ligne et l’éditeur. . L’idée ici est de reverser un pourcentage aux ayants droit du contenue. Si on pousse les opérateurs téléphoniques à créer des offres de streaming, on saura combien de fois tel ou tel artiste a été écouté, voire téléchargé, parce que chaque musique a une identité numérique unique et c’est cela notre avenir. Développer notre streaming en duo avec les opérateurs téléphoniques. Mais les opérateurs téléphoniques nous diront que ce n’est pas leur métier de vendre la musique. Nous leur dirons, vous n’étiez pas banquier, mais aujourd’hui, vous faites du Mobile money, Mobil banking.
Le streaming est une chance pour nous, parce que avant, il fallait aller au studio, aller fabriquer les CD, les cassettes, trouver un circuit de distribution. Maintenant, aujourd’hui, c’est en un seul clic que tout se passe.
De manière concrète, comment la digitalisation de la musique peut-il changer l’industrie musicale en Afrique francophone?
La digitalisation fait qu’aujourd’hui, on a deux chances énormes pour l’Afrique. Nous passerons de l’étape de piratage de cassettes à l’étape où nous serons numéro un partout dans le monde. Pourquoi? Parce que moi, je fais ma chanson, dans le fin fond d’Oyem, la seconde où je termine cette chanson, elle est déjà sur internet et peut être écoutée en Australie. Nos artistes doivent pouvoir vivre sans mendier et pour cela, il faudrait qu’on légifère. Aujourd’hui, le Gabon a la chance d’avoir des jeunes artistes qui sont hyper talentueux, qui produisent eux-mêmes dans de petits studios. Il y a une émulation musicale au Gabon, qui fait que si on s’organise dans les 5 ans à venir, nous serons l’exemple à suivre.
La digitalisation de la musique n’est pas un défaut, mais plutôt une chance pour les musiciens de l’Afrique Francophone, mais, c’est à nous de transformer en tant qu’industriel, je me bats avec mes autres amis (Asal’fo, Youssou Ndour…), on essaye de mettre en place des choses pour qu’au sorti du Sima, on trouve un texte qu’on viendra défendre devant nos autorités chacun dans son pays.
Quel est le message que vous porterez au Sima ?
Le message fort que je porterai au Sima, est : l’industrialisation de la musique, la digitalisation de la musique est une chance pour l’Afrique. Il faut que nous la saisissons et nous devenions les pionniers en l’Afrique francophone. On regarde l’Afrique anglophone, ils sont très bien impliqués dans ce processus de digitalisation de la musique. On ne fera pas les droits d’auteur en Afrique, ici au Gabon, au Cameroun comme cela a été fait en France, il y a 30 ans. C’est impossible, ça ne marche plus, parce que la musique n’est plus la même. Les artistes ont une retraite, comment cotisons nous pour la retraite des artistes? On doit, nous avec le Sima, travailler pour sortir un document pour permettre au législateur de légiférer et une fois fait, les opérateurs de téléphonie mobile, vont s’adapter.
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