75% des consommateurs prennent en considération le pays d’origine d’un produit lors de leur course. C’est sur facteur et d’autres éléménts que Michel Enyegue Mbida, spécialiste en marketing analyse les freins à l’emergence des produits et services faits au Cameroun.
Jeudi 30 juin, j’ai eu le privilège d’être associé à une conversation sur le Made In Cameroun. Je représentais l’ACPMC ( Association Camerounaise des Professionnels du Marketing et de la Communication.) C’est une association qui regroupe des professionnels et des étudiants autour de leur passion : œuvrer pour l’excellence dans les métiers du Marketing et de la Camunication.
Selon une étude du cabinet Nielsen réalisée en 2019 dans 61 pays auprès de 30 000 consommateurs, 75% le pourcentage des consommateurs qui trouvent que le pays d’origine est un critère important au moment de choisir d’acheter un produit autant que le prix et la qualité. Bien que citoyen du monde dans l’âme, je suis un bon et très fier camerounais. Vous allez me demander et puis quoi ? Comme on dit chez nous à Douala ? Eh bien, disons que, d’un point de vue marketing, cela donne une idée de la taille du besoin et donc du marché.
Ça donne aussi des bases d’hypothèse de business, une idée des enjeux autour de l’origine pays pour une marque. En exagérant volontairement, cela pourrait donc représenter :
1. 75% des 29 millions de camerounais (ou du moins des camerounais de plus de 15 ans)
2. 75% du pouvoir d’achat
3. 75% du PIB du Cameroun
Après avoir dit ça, la deuxième chose observable, c’est la diversité, l’abondance, la richesse, la vitalité du Made In Cameroun. Pour vous donner une illustration de la richesse et de la diversité du Made In Cameroun, mentionnons et pas de façon inutile que j’avais pris soin ce jour-là de me vêtir pour la circonstance d’une chemise #Kristin BELL, Savoir-faire Camerounais, matière première et importée d’Italie.
Tout comme ma veste était de chez Ludovic KAMGUE, talent camerounais aussi, matière première importée d’Italie.
Vous allez trouver que je fais de la publicité, c’est mon métier. Comme on peut le constater, le Made in Cameroun n’est pas seulement l’artisanat. Il va de l’agroalimentaire au textile en passant par le mobilier, les automobiles. Il inclut les produits tout comme les services. Il y a des artisans, des micro entreprises, de très petites entreprises, des petites entreprises, des Moyennes Entreprises, des multinationales.
La première conséquence de ce constat de diversité, c’est qu’il y a plusieurs vitesses et plusieurs visages dans le Made In Cameroun.
Pour aller plus loin dans la discussion, je voudrais vous inviter à visualiser une maman qui vend les avocats devant ZEPOL à Douala ou ACROPOLE à Yaoundé. Pour moi cette maman avec sa micro entreprise représente bien le Made In Cameroun.
Sur le plan de l’opportunité, il y a réellement un besoin. Tout le monde ou presque, aime l’avocat chez nous. Surtout quand c’est l’avocat-beurre.
En revanche, aucun chiffre n’existe pour donner la taille ni la valeur du segment de marché de l’avocat. Aucune étude sérieuse n’étant disponible pour le moment sur le Made In Cameroun. En avançant dans la conversation, on peut s’amuser à l’aide de l’outil PESTEL. L’exercice consisterait à examiner ensemble les facteurs susceptibles d’impacter le développement du business d’avocat de notre maman citée plus haut.
Sur le plan politique,
Les formes de soutien, de collaboration et de structuration institutionnelle qu’offre actuellement l’Etat du Cameroun ne permettent pas à notre maman d’envisager un quelconque changement dans ses affaires dans un horizon de 2 ou 3 ans.
En réalité, elle ne sait pas vraiment ce que lui réserve l’avenir de son pays dans les trois (3) ans à venir.
Sur le plan économique, on lui a parlé de ralentissement de la croissance économique mais est-ce qu’elle sait vraiment quel impact la croissance économique peut avoir sur son activité de vente d’avocats.
– Au niveau de sa chaîne de valeur, elle a du mal à maîtriser, la matière première peut changer rapidement de coût.
– Son fournisseur qui transporte les avocats de Mbouda à Douala est capricieux. Il lui arrive de changer les prix au gré de son humeur et des saisons.
– L’inflation rampante n’arrange pas les choses.
– Les ruptures de stock peuvent rapidement intervenir.
– Les recettes et donc le revenu sont incertains.
– Aucune banque sera réticente à lui accorder un crédit, difficile pour elle d’apporter des garanties.
Sur le plan social,
– En dehors des tontines, il n’existe pas de regroupement spécifique de défense des intérêts des acteurs du Made In Cameroun.
– Elle veut augmenter ses prix mais elle entend tout le monde autour d’elle se plaindre de la vie chère et de la pression de l’inflation sur le pouvoir d’achat des ménages.
– Les agents de la mairie peuvent même la chasser, elle occupe sans autorisation une emprise de la voie publique.
– Si elle décide de créer une entreprise, et donc une marque, elle a l’obligation d’aller déclarer a l’ANOR et de payer un montant qui dépasse son capital.
– Elle n’est même pas au courant de l’existence de l’OAPI et des procédures de dépôts de marques.
Sur le plan de la technologie
– Elle est maman Androide option WhappsApp, mais n’est ni sur Facebook, Instagram ou LinkedIn.
– Son petit-fils lui a dit de tester les possibilités de vendre ses avocats en ligne à partir des statuts WhappsApp, mais elle n’a pas toujours le crédit, pas toujours le temps et surtout, aucune idée des codes de la vente en ligne et du dgital.
Sur le plan éthique
– Comme elle vend la nuit, elle échappe au circuit fiscal, ne paye pas les impôts et les taxes.
– Parfois elle triche sur la qualité de ses produits et justifie en disant que ce n’est pas elle qui produit les avocats.
Sur le plan légal
– Les contours et les caractéristiques aujourd’hui du Made In Cameroun ne sont toujours pas clairement définis.
– A partir de quelle degré composition des intrants on fait du Made In Cameroun ?
Juste la nationalité de l’entreprise ou l’origine du promoteur ? Juste de la territorialité ?
– L’appellation n’est même officiellement déterminée, faut-il dire et écrire Made In Cameroun ou Made In Cameroon ?
– Notre maman pour des raisons indépendantes de sa volonté triche souvent un peu sur la qualité de son avocat en prétextant qu’elle-même a aussi reçu ça comme ça.
Leila Mabou c’est vrai non ?
En termes de stratégie de marque
Notre Maman :
– subit une forte intensité concurrentielle.
– il est facile d’entrer dans le marché du MIC et de devenir rapidement un acteur important.
– elle n’a entrepris aucune initiative pour matérialiser la différentiation de ses avocats.
– elle n’a pas de segmentation encore moins de positionnement pour illustrer le bénéfice unique de son avocat
– pas dépôt de nom de marque, pas de codes, pas de symboles particuliers, pas d’emballage.
– il est donc impossible pour le consommateur d’être informé et ou d’être renseigné sur les caractéristiques de son produit.
– aucune promesse d’expérience. Le concept, la solution originale et unique qu’elle propose ne sont pas connues.
– tout comme les bénéfices de son produit ne sont pas établis.
– ses prix sont faits à la tête du client, les marges comme son chiffre d’affaires ne sont pas prévisibles.
– en matière de distribution, elle a aujourd’hui un seul point de vente alors que le gros de la vente au Cameroun dans les FMCG se fait à 80% dans les boutiques traditionnelles chez le Maguida, au marché Mbopi et dans les bars.
– l’absence de marque et de notoriété réduisent son pouvoir de négociation auprès de Carrefour chec M. Luc Demez, chez Dovv, chez Santa Lucia, chez SPAR, chez Mahima.
En conclusion
Le développement du Made In Cameroun passe par :
une réelle structuration et un soutien par les instructions.
Une strategie de marque avec au moins 3 leviers :
1. La différenciation pour exprimer et établir les bénéfices singuliers susceptibles de créer la préférence.
2. L’amplification de la distribution vers les points de vente de proximité pour réduire le taux d’effort pour accéder aux produits.
3. Collaborer et mutualiser les efforts et les infrastructures pour faire jouer les facteurs d’amplification par des effets d’échelle.
Michel Enyegue
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