Des institutions à l’administration centrale en passant par les établissements publics, l’appareil d’État est tenu par des personnalités choisies par le président de la République. Et de façon discrétionnaire.
Pour la deuxième fois en un mois, Ali Bongo aurait «tapé du poing sur la table», se disant peu satisfait du rendement du gouvernement. À la veille de la dernière Fête nationale, des sites réputés proches de la présidence de la République avaient abondamment glosé sur son «énorme coup de gueule», annonçant tantôt un remaniement ministériel tantôt un changement de gouvernement. Tout au long du week-end écoulé, les mêmes médias en ont remis une couche, évoquant sa circonspection et sa détermination à suivre «les actions à mener sur les secteurs prioritaires tels que la lutte contre la vie chère, l’éducation la santé ou encore les infrastructure.» C’est dire si on peut se poser des questions sur l’ambiance au sein de l’exécutif. C’est également dire si on doit se demander si l’attelage actuel fonctionne et s’il est capable de faire bouger les lignes. C’est enfin dire si l’on est fondé à rechercher les responsabilités.
Détenteur suprême du pouvoir exécutif
À l’exception notable de Daniel Ona Ondo, qualifié de «perle rare», tous les premiers ministres ont subi ces mêmes avanies : Paul Biyoghé Mba fut jugé «présomptueux», Raymond Ndong Sima fut qualifié de «falot», Emmanuel Issoze-Ngonget de couard et d’ambitieux. Quant à Julien Nkoghé Békalé, il fut viré sans ménagement, accusé d’avoir fait allégeance à Brice Laccruche-Alihanga au plus fort de la magnificence de ce dernier. Sauf improbable retournement de situation, personne n’imagine l’actuelle titulaire du poste déroger à cette curieuse tradition. Tout le monde pressent son éviction prochaine. «(Le président de la République a) exprimé au Premier ministre, Rose-Christiane Ossouka Raponda, son insatisfaction face à la lenteur, disons la faiblesse des résultats engrangés jusque-là dans la mise en œuvre des politiques publiques ainsi que des actions visant à améliorer les conditions de vie de nos compatriotes», écrivait notre confrère L’Union dans son édition du 10 août dernier.
Pourtant, aucun premier ministre n’est parvenu à cette fonction sur décision personnelle. Tous ont été identifiés puis nommés par le président de la République. S’ils ont parfois suggéré des noms de ministres, jamais ils ne les ont nommés, cette prérogative revenant au président de la République. Du chef du gouvernement aux occupants des différents «emplois supérieurs, civils et militaires, de l’État», les détenteurs de l’autorité publique sont essentiellement désignés par le président de la République. Disposant même de la faculté de désigner certains parlementaires, des sénateurs précisément, il a la haute main sur tout. Des institutions à l’administration centrale en passant par les établissements publics, l’appareil d’État est tenu par des personnalités choisies par lui. Et de façon discrétionnaire. Défini comme «le détenteur suprême du pouvoir exécutif», il ne partage le pouvoir de nomination avec personne. Même si le Premier ministre dirige encore l’action du gouvernement, sa marge de manœuvre s’est rétrécie au fil des révisions constitutionnelles.
Artifice rhétorique
La mise en cause du Premier ministre cache mal la volonté d’exonérer le président de la République. S’il pouvait se soutenir en d’autres temps, cet artifice rhétorique ne trompe plus grand monde, le chef du gouvernement étant réduit au rang de «collaborateur» et non plus de partenaire politique. Or, rien de grand ne peut se bâtir quand le président de la République est «chef de tout et responsable de rien», selon la formule de François Hollande. Aucun édifice ne peut se construire si le maitre d’œuvre ne se sent redevable à personne, s’il n’est pas tenu de rendre des comptes ou s’il peut obliger quelqu’un d’autre à s’expliquer devant le maître d’ouvrage. La déresponsabilisation du président de la République ? Elle ne fait pas sens quand son cabinet en impose à tout le monde, se payant le luxe de s’immiscer dans la gestion de la dette intérieure. La responsabilisation du gouvernement ne dit rien quand tous les pouvoirs sont concentrés ailleurs, quand des fonctionnaires sans légitimité politique peuvent s’adonner à toutes sortes de bricolages au nom d’une proximité supposée d’avec le président de la République.
Eu égard à cette réalité, il ne sert à rien d’accabler le Premier ministre. Au vu de la pratique politique et administrative, les sommations adressées au gouvernement ne sont d’aucun intérêt. Si elles apparaissent comme la bonne conscience du cabinet présidentiel, elles ne règlent aucun problème. Bien au contraire. Elles en rajoutent à la confusion, rendant toujours plus illisible le jeu institutionnel. Pour toutes ces raisons, il paraît plus indiqué de se garder de déclarations fracassantes ou de jugements péremptoires, fussent-ils plaisants du point de vue de la communication. Comme on fait son lit, on se couche…
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