Le Gabon membre du Commonwealth : Comme Ponce Pilate

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Si l’adhésion à l’organisation basée sur l’«allégeance à la couronne britannique» est un succès diplomatique, elle ne saurait être un antidote aux pratiques de la Françafrique. 

En quoi l’allégeance à Elizabeth II rapproche-t-elle de la promesse républicaine ? La démocratie et le développement ne dépendent nullement de l’appartenance à une organisation de coopération. Nulle part, on n’a vu le Commonwealth déteindre positivement sur la pratique politique de ses membres. © Gabonreview

 

C’est l’information majeure du week-end écoulé : le 25 du mois courant à Kigali, le Gabon a rejoint le Commonwealth. Comme le Togo, le Rwanda ou le Mozambique, il devient l’un des rares pays sans liens historiques avec le Royaume-Uni à adhérer à cette organisation. Si c’est un succès diplomatique, on ne doit nullement en tirer une gloriole. En toute lucidité, il faut en rechercher la plus-value. En quoi l’adhésion à une entité basée sur l’«allégeance à la couronne britannique» constitue-t-elle une marque d’émancipation ? En quoi l’entrée dans une structure réputée pour sa bienveillance à l’égard des dictateurs doit-elle être vécue comme une opportunité ? N’est-ce pas plutôt une manière d’avaliser une «lecture colonialiste» du monde ? Ou de chercher des cautions supplémentaires à la mal-gouvernance chronique ?

Désir d’enrichissement personnel

Depuis 1960, le Gabon a toujours fait montre d’appétence pour le multilatéralisme. Au gré de ses intérêts ou de ceux de ses dirigeants, il a multiplié les partenariats. Tout à la fois membre du Groupe des vingt-quatre (G24), du Groupe des 77, de la Commission du Golfe de Guinée, de la Zone de paix et de coopération de l’Atlantique sud (ZPCAS), de l’Organisation de la conférence islamique ou du Mouvement des non-alignés, il siège dans de nombreuses instances. Théoriquement, il aurait dû le capitaliser pour asseoir des relatons plus dynamiques avec des entités comme le Fonds monétaire internationale, le Groupe des sept (G7), la Banque islamique de développement (Bid) ou des puissances comme le Canada, le Royaume-Uni, l’Inde, l’Afrique du Sud ou le Nigeria. A priori, il aurait pu en profiter pour s’inspirer des bonnes pratiques en vigueur dans des démocraties comme l’Allemagne ou le Costa Rica.

Mue par un désir d’enrichissement personnel, la classe dirigeante a fait le choix de servir des intérêts privés, se posant en pilier de la Françafrique. Comme le suggère François-Xavier Verschave, elle s’est mise au service d’un «système autodégradant (…) hostile à la démocratie, (aux confins de la) confusion des genres».  On l’a vu avec l’Affaire Elf, le Gabon étant apparu comme l’épicentre de ce scandale politico-financier. On l’a aussi noté avec la lugubre Affaire des biens mal acquis, le peuple gabonais ayant été présenté comme l’une des principales victimes de ce mécanisme de prédation des ressources publiques. Dans un cas comme dans l’autre, l’ancien président de la République, Omar Bongo Ondimba, des membres de sa parentèle et certains de ses plus proches collaborateurs furent cités parmi les bénéficiaires. Est-ce le fait de la seule France ou de la Francophonie ? Le Commonwealth est-il un antidote à ce genre de pratiques ?

Complaisance à l’égard des adeptes du trucage électoral

Si on doit pointer la responsabilité de la France, on ne peut présenter le Commonwealth comme une chance pour le Gabon. Encore moins transformer la francophonie en bouc-émissaire. Même si elle s’est souvent montrée lâche, l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) rendit un rapport critique au terme de la présidentielle d’août 2016. Dénonçant la «différence de traitement entre les résultats du Haut-Ogooué et ceux de l’Estuaire», elle souligna ses «doutes.» En pure perte, elle affirma avoir «une confiance très faible voire inexistante» dans les résultats. Le Commonwealth aurait-il fait mieux ? Eu égard à sa complaisance à l’égard de nombreux adeptes du trucage électoral, on peut en douter. On peut se demander en quoi l’allégeance à Elizabeth II rapproche de la promesse républicaine. Au-delà, on peut nourrir des appréhensions quant à la promotion de la bonne gouvernance. Après tout, dans le domaine minier, des multinationales britanniques sont régulièrement épinglées pour des faits de corruption ou des manquements divers aux bonnes pratiques.

Comme la démocratie, le développement repose d’abord sur la vision et l’éthique des dirigeants nationaux. Ni l’une ni l’autre ne dépendent de l’appartenance à une quelconque organisation de coopération. Nulle part, on n’a vu le Commonwealth déteindre positivement sur la pratique politique de ses membres. Au Rwanda comme en Ouganda, les élections virent toujours en de consternants vaudevilles. Vingt-sept ans après son adhésion, le Mozambique reste l’un des pays les plus pauvres du monde, le manque d’infrastructures, la forte prévalence du VIH et la corruption étant les principaux freins à son essor. Or, comme le relève la Banque mondiale, l’absence de main d’œuvre qualifiée, la mauvaise qualité du climat des affaires et la défectuosité des infrastructures sont des obstacles à la diversification de l’économie gabonaise. Sauf à se comporter comme Ponce Pilate, on peine à voir comment notre pays fera-t-il pour tirer profit des «opportunités» prétendument offertes par le Commonwealth.

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