Publié le 08.07.2022 à 14h06 par Pr Olivier Bilé
L’Afrique malgré le potentiel que renferme son sol et son sous-sol, continue à essuyer un retard dans son développement économique. L’expérience dans d’autres nations développées, a montré la place importante que joue la religion pour faciliter l’émergence.
Du point de vue de la médecine humaine, un bon diagnostic est toujours préalable à une thérapie satisfaisante. De la même manière, un diagnostic raté mène à l’aggravation du mal, voire à la mort. S’il est admis que le corps social est assimilable au corps physique et fonctionne selon quasiment les mêmes principes et une mécanique similaire, alors il y a lieu de considérer que si le bon diagnostic n’est pas effectué sur les maux d’un pays, alors ces derniers ont des chances de s’approfondir et de s’étaler sur des décennies voire des siècles, avec toutes les conséquences critiques imaginables.
Le problème africain en général se résume à travers le tableau d’un continent qui, sur l’échiquier mondial, reste à la traîne malgré d’abondantes richesses de toute nature. On a déjà suffisamment épilogue sur les ressources humaines et surtout matérielles de l’Afrique dont le sous-sol et le sol sont de véritables scandales géologiques et miniers.
En dépit des efforts indéniables réalisés par quelques États comme le Ghana, le Rwanda, le Maroc, le Botswana ou le Nigeria, la grande majorité de nos États demeurent dans des situations socio-économiques préoccupantes. Plus de la moitié de nos populations vivent en dessous du seuil de pauvreté, c’est-à-dire avec moins d’un dollar par jour. Le sous emploi massif, la misère généralisée, le déficit criard des commodités les plus élémentaires d’une existence digne, sont le lot quotidien de nos populations. Les indicateurs de développement humain y sont les plus faibles de la planète.
Sous-industrialisation, sous-scolarisation et sous éducation, sous alimentation et sous médicalisation, sous infrastructuration et sous organisation dans tous les domaines, sous financiarisation, sous politisation et sous démocratisation sont les variables sectorielles d’un sous développement global devenu depuis longtemps structurel et endémique.
La problématique africaine semble sans issue et les progrès réalisés ça ou là semblent toujours ténus et menacés de rechute, tant les bases économiques, sociales, démocratiques et institutionnelles en sont fragiles. L’explication des causes de cette situation de crise permanente en Afrique a été longtemps recluse à ses aspects matériels. Très souvent, sous la houlette des partenaires au développement, ce sont uniquement des paramètres statistiques et comptables qui sont brandis régulièrement pour justifier l’état de sous-développement de nos pays. Les mécanismes de fonctionnement de l’économie et de la gouvernance invariablement invoqués pour justifier les carences remarquées. A l’observation, cette grille de lecture matérialiste et cartésienne n’a-t-elle pas montré ses limites?
L’inaptitude des politiques publiques jusqu’ici préconisées et conduites, à produire industrialisation et émergence partout en Afrique comme cela eut lieu en Europe à la faveur de la révolution industrielle du 19e siècle, ne traduit t-elle pas l’impertinence des diagnostics matérialistes et rationalistes jusqu’ici mis en prépondérance ?
Loin de moi l’idée de répudier totalement les déterminants rationnels habituellement mobilisés. Ils ont, d’évidence, leur degré d’importance, mais sont loin, à eux seuls, de pouvoir nous fournir la totalité des facteurs explicatifs requis. Manifestement, ils ne représentent en fait que la partie visible de l’iceberg dont chacun sait désormais que la partie immergée est infiniment plus consistante. La dimension intelligible de l’univers dont parle Platon sera toujours plus importante que la dimension sensible.
A cet égard, une observation minutieuse des sociétés du monde établit le rôle prédominant joué par le facteur métaphysique ou plus généralement intelligible dans la trajectoire des peuples vers le progrès. Manifestement, trois scénarios clairs s’en dégagent.
Il y a d’une part les peuples qui ont fait le choix civilisationnel d’adhérer, majoritairement, à une orientation spirituelle issue de l’une des trois grandes religions révélées (christianisme, Judaïsme, Islam) à l’instar des USA, de l’Indonésie ou d’Israël) ; ensuite ceux qui ont fait le choix d’adhérer, majoritairement, à un système de croyance traditionnel et endogène à l’instar de la Chine ou du Japon;
Et enfin ceux qui ont fait le choix majoritaire de ne croire en rien ou souvent à la science humaine essentiellement.
Dans ce tableau général des civilisations qui ont souvent choisi un positionnement clair, majoritaire et tranché, croire ou ne pas croire, être bouillant ou froid, l’Afrique s’illustre par une option différente. Celle de la tiédeur et du syncrétisme. Celle du mélange des genres et des croyances occasionnant un égarement existentiel et identitaire chronique. Écartelée entre croyances révélées diverses, croyances et pratiques ancestrales, mais aussi incroyance pour beaucoup en raison de certaines influences philosophiques occidentales, l’Afrique est travaillée par des phénomènes d’oppression et de possession métaphysiques qu’elle ne maîtrise aucunement.
Les États, les gouvernements et les peuples, tous investis dans des trajectoires de spiritualité endogènes et exogènes disparates mêlant magie noire, indienne, rituels occultistes occidentaux, maraboutismes et fetichismes africains, athéisme invétéré, finissent par produire, sans jamais en avoir conscience, une atmosphère spirituelle diversement polarisée, voire divergente, qui achève de dévaloriser et de desubstantialiser nos sociétés depuis des lustres. La nécessaire convergence cosmogonique et énergétique qui construit et structure une société pour l’amener vers des horizons et des orbites élevés, ne peut exister dans un tel contexte de divergences multiformes sur le plan des représentations du monde.
On est parfois surpris de constater les aberrations multiples existant chez nous à l’instar des problèmes axiologiques aigus de mentalités, de corruption, de cupidité, de mysticisme obscur et de sorcellerie à grande échelle qui font tant de mal à nos sociétés. Les pratiques fétichistes et mystiques sont au principe de phénomènes d’envoûtements individuels ou de masse, d’oppression effroyable, de maladies curieuses et inexplicables, de destinées mises en captivité ou brisées par des œuvres invisibles et maléfiques.
Nos États, en tant que corps social, n’échappent point à ces mêmes phénomènes de hantise et d’envoûtements de masse qui plombent lourdement leur destin à des échelles plus grandes. Les indicateurs de sous-développement matériel et physique ne sont ici que la résultante d’une dysharmonie et d’une entropie spirituelles de grande ampleur. De surcroît, cet écartèlement considérable entre divers cadastres spirituels non maîtrisés est un facteur d’aggravation rédhibitoire de la situation.
Dieu le Créateur lui-même dit en effet et clairement dans la bible : « Ainsi, puisque te voilà tiède, ni chaud ni froid, je vais te vomir de ma bouche » (Ap 3,16). Assurément, un système de croyance hypocrite dans son essence, qui promeut une telle tiédeur, est nécessairement source d’inaptitude à élever une société vers le progrès. Pire, il n’a que vocation à propulser la société vers les abîmes de la déchéance et la décadence.
En cela, l’église ou plus généralement la spiritualité d’essence coloniale qui a essaimé en Afrique depuis des temps immémoriaux, ne pouvait et ne peut promouvoir une théologie de la Libération. L’Afrique a impérieusement besoin de systèmes de croyance de radicalité, à l’exclusion de toute forme de tiédeur ou de fanatisme religieux. Soit nous prenons la résolution d’être chauds et bouillants, sans mélange des genres et de pratiques, soit nous nous résolvons à être froids.
Soit nous décidons fermement d’être d’ardents chrétiens, musulmans ou animistes, soit nous nous résolvons à ne croire en rien, ce qui, en vérité, est une autre source de déchéance mais d’une autre nature. Ebenezer Njoh Mouelle parlait à juste titre des chrétiens qui le matin vont à l’église, et le soir chez le marabout. Cela est source d’affaiblissement et d’affaissement sociétal. Voilà, je le crois, le déterminant primordial de la problématique africaine. J’espère, au passage, que ce texte aura valeur de support de clarification pour ces interminables et inutiles débats entre Africains sur le modèle religieux, endogène ou exogène, qui serait le plus approprié pour nous. Je nous suggère par conséquent sinon d’être chauds et bouillants dans notre foi, quelle qu’elle soit, d’être au moins et simplement froids.
Car la tiédeur spirituelle, autrement dit l’hypocrisie anthropologique qui réside dans le syncrétisme et les mélanges de genres du point de vue des croyances et pratiques, individuellement ou collectivement, pourraient continuer à nuire considérablement au destin pourtant de gloire et de promesse qui est celui de notre Afrique. Pas un hasard de constater que nombre de nations devenues froides en Europe connaissent un sort bien meilleur que le nôtre, et sont même très souvent dans les pelotons de tête en matière de développement au niveau mondial.
Le Foiisme politique que je promeus depuis quelques années s’inscrit dans le sens même de cette dialectique de la foi à mettre en cohérence avec l’univers global des sociétés africaines.Et je suis bien conscient d’apporter, à travers la présente contribution, une grille de lecture totalement inédite et hors des champs d’analyse exclusivement rationalistes les plus courants.
Assurément, notre prise de conscience de cette subtile réalité suivie de notre positionnement résolu en faveur d’une option de foi majoritairement chaude et bouillante nous propulsera vers les Cimes de la prospérité au sein de l’humanité. Ne pas en prendre conscience serait suicidaire car cela nous installerait dans des tribulations éternelles que nous ne comprendrons jamais.
Voilà le vrai challenge qui nous interpelle désormais. PRIMAUTE DES FONDEMENTS MÉTAPHYSIQUES DANS LA PROBLÉMATIQUE AFRICAINE
Dieu bénisse l’Afrique.
Pr Olivier BILE,
Les Libérateurs