Les révélations de Christian Patrichi Tanasa sèment le doute sur la légitimité de la Fondation Sylvia Bongo Ondimba pour la famille (FSBO) à se prévaloir de certaines valeurs voire à défendre certaines causes.
Depuis quelques jours, la Fondation Sylvia Bongo Ondimba pour la famille est la cible de critiques diverses. Condamné à 12 ans de réclusion pour «détournement de fonds publics, complicité de détournement de fonds publics, usage de faux et blanchiment de capitaux», Christian Patrichi Tanasa a affirmé avoir été «obligé de participer (à ses) activités (à hauteur de) 150 millions (de francs CFA) à chaque Octobre rose». Dans la foulée, il a dit avoir, en outre, «débloqué 400 millions (de francs CFA) pour elle.» Autrement dit, entre 2018 et 2019, la FSBO aurait perçu au bas mot 700 millions de nos francs de la part de la Société nationale des hydrocarbures (SNH, communément appelée Gabon oil company-GOC). Accusation sans fondement, témoignage accablant ou volonté de se protéger ? Voire…
À table
Censée être une entité caritative bénéficiant de la reconnaissance d’utilité publique, la FSBO jouit a priori de la liberté de recevoir des subventions, dons et legs. Mais ces transactions doivent se faire conformément à la législation. Or, aux termes de la loi n° 044/2010 déterminant les ressources et charges de l’Etat pour l’année 2011, le mécénat donne lieu à exonérations fiscales. Mieux, «le bénéfice (de ce) régime (dérogatoire) ne (pouvait) être concédé que si le soutien apporté (était) permanent ou régulier.» Le soutien supposé de la SNH à la FSBO était-il permanent et régulier ? On peut le penser. Avait-il donné lieu à une convention dûment signée ? On aimerait en avoir la preuve. Était-il soumis au contrôle de la direction générale des Impôts ? Eu égard aux pratiques en vigueur, on peut en douter.
Pourtant, dans un communiqué daté du 20 du mois courant, le FSBO a reconnu avoir reçu de la SNH «deux dons d’une valeur de cinq (5) millions de francs CFA chacun afin de financer l’achat des consommables nécessaires à la réalisation des activités de dépistage durant les (…) campagnes (Octobre rose) de 2016 et 2018.»
«Personne ne croirait aujourd’hui, dans ce pays, que Sylvia Bongo ait besoin de cinq millions d’une entreprise pour financer ses activités», a aussitôt réagi la défense de Christian Patrichi Tanasa, ajoutant : «Ce qui conforte la position de notre client dans cette affaire est que Sylvia Bongo n’a rien dit sur Africa practice.» Et de trancher : «Il a été dit qu’elle a reçu des dons et c’est vrai.» Par une communication primesautière, la FSBO s’est en réalité mise à table, portant atteinte à sa crédibilité tout en nuisant à l’image de sa présidente et promotrice.
Prouver son attachement à la règle de droit
Loin de tout parti pris, cette histoire constitue une défaite morale pour la FSBO. En tout cas, elle sème le doute sur sa légitimité à se prévaloir de certaines valeurs voire à défendre certaines causes. Peut-on œuvrer à l’«émergence d’une nation unie et solidaire» quand on est accusé d’agir dans l’illégalité ou en usant de pressions diverses ? Peut-on encourager les citoyens à devenir «les premiers acteurs de leur propre réussite» quand on est soupçonné de ruser avec les procédures ? Peut-on prétendre évoluer «dans un environnement (…) fondé sur la confiance et la tolérance» quand on est suspecté d’avoir reçu de l’argent public sans laisser de traces ? Peu importe les montants en jeu, au-delà de la véracité des révélations de Christian Patrichi Tanasa, le fond de la question est double : la responsabilité des puissants et la transparence de leurs actes.
Certes, le site web de la FSBO présente l’ensemble de ses partenaires institutionnels, techniques et financiers, associatifs ou de la société civile. Certes, la SNH figure bel et bien dans cette liste. Mais là n’est pas le débat. Si elle veut se sortir du guêpier dans lequel elle s’est fourrée, la fondation cornaquée par Sylvia Bongo doit prouver son attachement à la règle de droit et à la loi. Pour ne pas entretenir le l’idée de favoritisme et le sentiment de défiance, elle doit apporter la preuve de son enregistrement au ministère de l’Intérieur et de sa reconnaissance d’utilité publique en brandissant les récépissés y relatifs Pour ne pas nourrir les soupçons de corruption, elle doit publier la convention de mécénat passée avec la SNH. Déjà, l’on se demande comment peut-elle affirmer avoir reçu du soutien en 2016 et 2018 uniquement. La SNH avait-elle renoncé aux avantages fiscaux liés au mécénat en apportant un soutien irrégulier ? A la FSBO de répondre.
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