Gabon : Tribalisme, cet empire qui ne veut pas disparaître…

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Société stationnaire ou figée que celle du Gabon ? Dans son acception, le tribalisme est un type de fonctionnement basé sur l’appartenance au même clan ou à la même tribu… un phénomène ayant résolument la peau dure au Gabon. On y dénombre, en effet, trop de «chasses gardées», trop de préférences ethno-provinciales, trop de choix basés sur la tribu et le clan. C’est, en tout cas, le constat fait sur la gestion des ressources humaines gabonaises qui demeure en déséquilibre. Flagrant !

Les castings ethnocentristes ou les replis identitaires sont pourtant très perceptibles lors des nominations dans les grandes administrations © Gabonreview

 

«Le manque de cohésion sociale, l’absence du vivre-ensemble, peut décapiter une société entière». C’est par ces mots que Thomas Sankara avait débuté l’un de ces discours devant les responsables de l’administration de son pays en 1985. Cette sentence est valable pour bien de pays. Et, le problème avec le tribalisme est qu’il n’y a jamais personne pour lui tenir tête. Dans les faits c’est bien ce qui arrive quand les valeurs sont foulées aux pieds et que seule triomphe la volonté de ne faire place qu’aux gens de sa parentèle, la détermination d’une captation des pouvoirs par les siens.

Le manque d’équilibre dans le choix des dirigeants est préjudiciable à la cohésion

Depuis quelque temps, la désignation, à la tête d’une administration publique ou parapublique, de personnes issues du même groupe ethnique est devenu si récurrente que la pratique est en voie d’être banalisée. On prendra l’exemple de l’un des fleurons de l’économie gabonaise, la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Celle-ci a pour directeur général Patricia Manon, et pour PCA Denis Méporewan, issus tous les deux de la même province et du même groupe ethnique. A Télédiffusion du Gabon (TDG), le PCA Christophe Othamot et le DG Nativité Ongala sont issus du même département : la Lékoni-Lékori. Mieux, ils sont oncle et neveu.  Dans certaines institutions aussi, «on ne se gêne plus» pour appeler les membres de la famille à venir partager le fromage !

A titre d’exemple, au Sénat, le Secrétaire général, le directeur de cabinet, le directeur de cabinet adjoint – soit les trois postes les plus importants de l’administration de cette institution – sont occupés par des personnes en provenance d’un même département, celui de Tsamba-Magotsi. Pourtant, dans son discours d’ouverture de la session 2022-2023, ce lundi 3 octobre, le président du Sénat n’a pas manqué (ironiquement ?) de rappeler que «nous sommes tous des enfants de ce pays», faisant ainsi, en public, la promotion de l’unité nationale, oubliant du coup ou faisant semblant d’oublier que dans l’institution qu’elle dirige depuis 2015, le tribalisme y est bien installé… Comme ce serait pourtant si bien d’y voir des cadres de trois provinces différentes occuper les trois fonctions précitées. L’administration du Sénat, symbole du repli identitaire ?

Bien d’autres exemples de reniement de la valeur unité nationale sont visibles dans le pays. Il est pourtant bien connu que cette collusion provinciale, départementale ou ethnique ne saurait favoriser le vivre-ensemble ou la cohésion nationale. Car les recrutements de personnels concentrés sur l’approche ethnique ou départementale tue l’harmonie sociale. De même que les promotions internes basés sur les mêmes critères. Les choix préférentiels ou replis identitaires se voient également lors des nominations dans les grandes administrations. Au ministère de l’Éducation nationale, par exemple, la récente désignation des chefs d’établissement aurait fait l’objet de moult tractations, chaque potentat local voulant désigner son «personnel».

Les choix «préférentiels» à la Douane ne favorisent pas le vivre-ensemble

On parle notamment au Gabon de «chasses gardées ». Le plus flagrant d’entre-deux «étant concerne sans aucun doute les régies financières. Si aux Impôts, une «ouverture» a été notée avec l’arrivée de Joël Ogouma, puis plus tard, celle de François Auguste Akomezogho à la tête de cette administration avant le retour d’un «ayant-droit». Et si au Trésor public, une ouverture a été notée vers des cadres logovéens (Massima, Louembet) avant l’arrivée des « ayant-droit (Ntsissi, Okoulantsogo, Ossoungou, Koubdjè), en revanche, à la direction générale des Douanes gabonaises, depuis près de 40 ans, ce sont toujours les cadres d’une seule province qui dirigent la «boîte »

Depuis quatre décennies en effet, les huit directeurs généraux qui s’y sont succédés, à savoir Ludovic Ognagna Ockogho, Célestin Odounga, Fridolin Onguida, Michel Ondinga Ngouéngoué, Alain Ndjoubi Ossami, Raymond Okongo, Dieudonné Lewamouho Obissa et, maintenant, Boris Admina Atchougou, sont issus du même cru. Le cas de la douane est vraiment la démonstration même des choix basés sur l’ethnie. Au mépris de leurs compétences et de leurs états de service, les autres cadres de la Douane ne peuvent avoir accès au poste de directeur général ! Zone interdite.

De même, pour les postes de directeurs les plus «avantageux», pour ne pas dire «juteux», telle que la direction du budget et de la comptabilité ou la direction des ressources humaines, un «filtre» a été installé en faveur des agents de la même province que le directeur général. Ce n’est pas ce que les tenants de «l’Émergence» avaient promis en 2009. Ici l’égalité des chances, la justice, la reconnaissance administrative, le droit d’accès à la fonction suprême dans cette régie financière n’existent pas. Rempart contre toutes les formes d’exclusion , la cohésion sociale manque à l’appel dans cette administration financière.

Les nombreux discours et tous les appels au vivre-ensemble n’ont pas engendré de progrès dans la lutte contre le tribalisme. En tout cas, pas dans l’administration douanière.

Pour assurer une meilleure cohésion dans l’administration en général, il apparaît urgent de briser ces tabous ! Le vivre-ensemble est à ce prix. Sinon, le clientélisme, le népotisme, la corruption, mais aussi la frustration, ainsi que toutes les formes d’exclusion, auront e de beaux jours devant eux au détriment de l’harmonie sociale.

Le tribalisme est absolument un frein à l’évolution des nations. Ailleurs, on a parlé de «mbochisation» de l’administration (les Mbochis, groupe ethnique du chef de l’Etat du Congo-Brazzaville) et de la «bétisation» du pouvoir (les Bétis, groupe ethnique de Paul Biya au Cameroun) pour dénoncer les choix préférentiels portés sur les postes de dirigeants d’entreprises ou d’administrations et sur le fait que «les meilleurs fromages de la République» soient attribués à la parentèle.

Ces pratiques doivent cesser au Gabon. Car, en définitive, l’harmonie sociale est le levain du développement de la nation. Pour freiner la montée du si fâcheux et si répugnant repli identitaire, les points communs devraient l’emporter sur les différences.

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