Condamné à six ans d’emprisonnement par le Tribunal correctionnel de Libreville, puis par la Cour d’appel judiciaire, pour «instigation à la violence et voies de fait» et pour «détention illégale d’arme à feu», l’ancien député de Bolossoville (à Minvoul, dans le Haut-Ntem) va recouvrer la liberté le 13 septembre prochain, conformément à une décision de justice. Petite plongée dans ces “heures sombres” d’août-septembre 2016 autour de Bertrand Zibi Abeghe, contre lequel de perfides manigances seraient en construction pour un maintien dans les cellules de ‘’Sans-Famille’’.
C’est l’histoire d’un homme qui avait démissionné de manière spectaculaire de son mandat de député PDG lors d’une visite d’Ali Bongo Ondimba dans son fief de Bolossoville, quelques semaines avant l’élection présidentielle d’août 2016. Dans une envolée remarquable et bien sentie, il avait dénoncé le manque d’ambition du chef de l’Etat pour le pays, mais aussi la corruption, la cupidité, la voracité, l’avidité, l’enrichissement illicite «heureuse», dont se rendaient coupable, selon lui, les proches du président de la République au détriment de la réussite collective.
«Aujourd’hui, compte tenu du climat délétère, morose, où on ne parle plus que de mort d’hommes dans notre pays, j’ai décidé aujourd’hui, 23 juillet 2016, en toute âme et conscience, devant Dieu et les hommes, de démissionner du PDG», avait notamment clamé Bertrand Zibi Abeghe devant Ali Bongo. Au terme de sa prise de parole, il déposa son écharpe de député sur le pupitre. Pour lui, tous ces travers avaient obscurci l’horizon de la République et ralenti le progrès de la nation.
Acte fondateur
Pour les uns, le propos de Bertrand Zibi Abeghe était une attaque outrancière à l’endroit du chef de l’Etat et du Parti démocratique gabonais (PDG), tandis que pour d’autres, il s’agissait de la preuve de la vivacité de la démocratie gabonaise. Pour d’autres encore, Bertrand Zibi Abeghe est celui qui a posé l’acte fondateur de l’insoumission au laisser-aller exprimée par les députés frondeurs du parti au pouvoir. «Dès cet instant, il était dans le collimateur», souligne un politologue gabonais. «On ne sort pas d’un tel acte sans conséquence». Quelques semaines plus tard, il rejoint Jean Ping, candidat consensuel de l’opposition. Le coup de foudre (politique) avec l’ancien président de l’Assemblée générale des Nations-Unies a été immédiat. Non pas parce qu’il avait pour lui une admiration sans limite, mais parce qu’il considérait l’homme, et ses amis avec lui, comme étant, de loin, la meilleure pièce du puzzle pouvant faire partir le président sortant. Éloquent et souvent inspiré, l’ancien député du Haut-Ntem est un redoutable tribun qui, en optant pour Jean Ping, avait bien pesé tous les termes de l’équation. L’ancien vice-Premier ministre chargé des Affaires étrangères étant celui qui correspondait, selon lui, à la gravité du moment et à l’aspiration des Gabonais au renouvellement et au changement.
Ouragan médiatique
Interpellé dans la nuit du 31 août 2016, et jeté en prison tout juste quelques jours plus tard, Bertrand Zibi Abeghe aura passé six années à “Sans-Famille”. Son arrestation avait provoqué un ouragan médiatique. Plusieurs médias publient sa photo et demandent la libération de cet homme qui n’a cessé de clamer son innocence. Une partie de l’opinion en avait même fait un abcès de fixation. L’épisode restera l’un des temps forts de la contestation de la dernière élection présidentielle.
Pendant son séjour à Gros-Bouquet, ainsi qu’il en a parlé au tribunal devant les juges, il a subi des atrocités, des cruautés, des tortures. Dans ses lettres ouvertes à la représentante permanente de l’Union européenne, à des ambassadeurs, au clergé et au président de la République, il a dit ce qu’il vivait dans les geôles. Peu de réaction… de la part des personnalités et institutions saisies.
Une page se tourne
En juin dernier, il rendait publique lettre à valeur testimoniale, y révélant notamment ses échanges avec l’émissaire du chef de l’État, le commandant en chef de la Garde républicaine, le général Brice Oligui Nguema. Il y évoquait la proposition lui ayant été faite pour le poste du Vice-président de la République et n’avait pas hésité à indexer les «faucons» autour du président qui seraient «en train de préparer d’autres accusations» contre lui. De même, il a avait évoqué la plausibilité de son meurtre pouvant intervenir avant sa sortie de prison. On ose croire de ce fait qu’aucune autorité, aucun activiste zélé du pouvoir n’en vienne à entraver sa sortie de prison, l’homme ayant purgé la peine qui lui a été infligée.
Considéré par l’opinion comme «le plus célèbre prisonnier politique du Gabon», Bertrand Zibi Abeghe, va donc de nouveau respirer l’air de la liberté ! Pour lui, l’un des plus grands soutiens de Jean Ping en 2016, une page de l’histoire politique du pays va ainsi être tournée. Peut-être qu’une autre s’ouvrira, au lendemain du 13 septembre, jour de sa mise en liberté ?
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