Joseph-Antoine Bell est recruté en 1985 par l’Olympique de Marseille © Presse Sports
L’Olympique de Marseille (OM), le championnat de France, et bien sûr Joseph-Antoine Bell peuvent remercier les autorités sportives égyptiennes d’avoir décidé, en 1984, de ne plus accueillir de joueurs étrangers pour la saison 1985-1986, alors qu’il évoluait depuis 1981 à Arab Contractors, un club du Caire. Sans ce choix, dicté par un protectionnisme qui ne disait pas son nom, Joseph-Antoine Bell n’aurait sans doute jamais évolué en France, à Marseille d’abord, puis à Toulon, Bordeaux et Saint-Etienne.
À Lire [Série] Football : Mané, Eto’o, Bell… La folie des transferts « À l’époque, des rumeurs laissaient entendre que le chef de l’État égyptien, Hosni Moubarak, m’appréciait, et qu’il allait m’accorder une dérogation pour que je puisse continuer à jouer en Égypte, se souvient l’ex-gardien des Lions indomptables. Je n’ai jamais su si c’était vrai. »
L’entregent des journalistes Pendant ses études en France, au mitan des années 70, Bell avait évolué dans quelques clubs amateurs de l’Île-de-France. Mais c’est en Afrique, à l’Union de Douala d’abord, puis à l’Africa Sports (Côte d’Ivoire) et en Égypte qu’il s’était bâti une solide renommée, titres à l’appui et réputation d’homme intelligent et de caractère en sus. Lors de la Coupe d’Afrique des nations en Côte d’Ivoire, Jean-Philippe Réthacker, journaliste français à L’Équipe, affirme, lors d’une interview, qu’il a toute sa place en Division 1 française.
À Lire Mali : Salif Keïta, la fuite, le talent et le bras d’honneur Une autre plume de la presse sportive, Jacques Thibert, de France-Football, abonde quelques mois plus tard, au Caire. « À ceci près qu’il avait ajouté qu’il pouvait me mettre en relation avec des gens qui pourraient m’ouvrir quelques portes en France, si un jour j’étais intéressé pour venir y jouer », restitue Bell.
La mauvaise soirée de Lévy La décision de l’Égypte de fermer ses frontières précipitera les choses. Au printemps 1985, Rolland Courbis, l’entraîneur de Toulon, lui présente Jean Carrieu, alors président de l’OM. Les deux hommes assistent au match entre Toulon et Marseille, et le dirigeant explique au Camerounais qu’il n’a pas le budget pour recruter un gardien.
Pourtant, le lendemain matin, Bell est réveillé à son hôtel toulonnais par un appel de Carrieu, dont l’équipe lutte pour le maintien en Division 1, et qui n’avait visiblement pas été rassuré par la performance de Marc Lévy, le gardien de l’OM. Bell se déplace à Marseille pour discuter d’un possible contrat en vue de la saison suivante. L’affaire sera scellée une quinzaine de jours plus tard, sans que le club phocéen n’ait à débourser le moindre franc en indemnité de transfert.
Deux mois plus tard, le gardien des Lions indomptables du Cameroun effectue ses débuts en D1 lors d’un match perdu au Havre (0-1), mais où le public normand découvre ce gardien d’une incroyable agilité. « Dans le regard de certains de coéquipiers, avant le match, je sentais qu’ils avaient moyennement confiance envers le gardien africain que j’étais », se souvient le natif de Mouandé. Bell se fera aussi remarquer pour ses prises de position assumées et son éloquence. Ces qualités ne déplairont pas à Bernard Tapie, qui rachète le club en 1986 et promet d’en faire un des meilleurs de France, puis d’Europe.
Le racisme du Vélodrome Entre ces deux hommes aux fortes personnalités, les relations sont bonnes. « Tous les soirs ou presque, il me téléphonait pour avoir mon avis sur tel ou tel sujet, dit aujourd’hui l’ancien gardien. À Marseille, on disait que j’étais l’un des rares à pouvoir lui dire non. » L’aventure se terminera en 1988, lorsque Bell signe à Toulon.
Au cours d’un match avec Bordeaux au Stade Vélodrome de Marseille, des abrutis lui lancent des bananes. Tapie condamne et oblige les autorités du football français à se pencher sur la question du racisme dans les stades. « Quand je suis arrivé en France, des gens pensaient qu’un gardien noir ne pouvait pas être bon, qu’il ne pouvait pas être intelligent ou capable de réfléchir, se remémore Joseph-Antoine Bell. Je pense avoir contribué à faire changer les mentalités. »