Politique
Sur le marché camerounais des cosmétiques, la commercialisation de boissons dites « décapantes » suscite une nouvelle polémique. Mais la santé n’est ici qu’un prétexte. Mis à jour le 12 août 2022 à 17:19
Par Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
© Damien Glez.
De Yaoundé à Douala, la controverse sur les boissons censées éclaircir la peau enfle à mesure que se révèle une affaire à tiroirs… Le premier d’entre eux : la polémique sanitaire. Si l’alpha-arbutine intégrée dans ces breuvages est présentée comme une alternative douce à la dangereuse hydroquinone des pommades dépigmentantes, certains spécialistes dénoncent des effets secondaires potentiels comme l’hypertension, le diabète ou le cancer de la peau. Ce n’est qu’en ce mois d’août que le ministère camerounais de la Santé vient de rappeler à l’ordre certaines marques comme Carimo ou MiraCosmetics. Ces dernières ont été épinglées pour absence d’autorisation conforme de vente de certains de leurs produits, au regard de la réglementation en matière de commercialisation des compléments alimentaires et boissons diététiques.
C’est là qu’est entrouvert un deuxième tiroir… celui de la polémique médiatique. Une certaine opinion ironise que la réaction gouvernementale est survenue presque immédiatement après la diffusion d’un reportage de France 24 intitulé « Cameroun : boissons “éclaircissantes”, un business juteux, mais dangereux ». Pour nombre d’internautes, les responsables africains ne réagiraient jamais de la sorte aux révélations de leurs médias nationaux. Pour certains qui ont visionné le replay de la vidéo, ce n’est même pas la diffusion internationale qui aurait « réveillé » les autorités sanitaires. Car voici ouvert un autre tiroir…
À Lire Produits éclaircissants au Sénégal : un business néfaste mais toujours florissant Polémique politicienne Troisième tiroir de l’affaire : la polémique politicienne. Le reportage de la chaîne française s’ouvre sur une commerçante manifestement peu consciente de l’usage critique qui sera fait de son témoignage. Le journaliste présente la femme d’affaires comme une « députée controversée de l’opposition ». Nourane Foster est effectivement élue du Parti camerounais pour la réconciliation nationale (PCRN), de Cabral Libii. Or, c’est bien par la marque de boissons éclaircissantes de la députée que le ministre de la Santé Malachie Manaouda a commencé sa récente croisade, avant que les concurrents de celle-ci ne soient mis à l’index dans la foulée. La diffusion de l’élément de la chaîne de télévision internationale aurait-elle moins été le rappel d’un problème sanitaire que l’occasion d’un larron politicien ?
À Lire Santé publique : comment les États africains mènent la guerre contre les crèmes éclaircissantes Appuyée médiatiquement par l’avocat inscrit au barreau de Paris Christian Bomo Ntimbane, qui dénonce la pression partisane des « jaloux » et des « envieux », la députée Foster affirme que la nocivité de ses liquides « décapants » n’est pas prouvée et que leur commercialisation est bel et bien légitime au Cameroun, au regard des médicaments vendus librement dans la rue. Gageons que la situation révélée par ce bras de fer… s’éclaircira dans les jours à venir et que la polémique à tiroirs servira la sensibilisation aux effets néfastes de la dépigmentation, ainsi que le débat plus large sur les canons de beauté africains.
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