Assignation à résidence du président de Les Démocrates : Eloigner les accusations de politisation

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Sans réponse à certaines questions, le verdict de l’affaire Nzouba-Ndama sera forcément assimilé ou à un oukase ou à un arrangement d’arrière-boutique.

Le pouvoir va-t-il se servir de cette histoire pour disqualifier Guy Nzouba-Ndama de la course à la présidence de la République ? Le président des ‘Démocrates’ entrera-t-il de nouveau en possession de l’argent saisi ? Les officiers de police judiciaire agissent-ils pour le maintien de l’ordre public ou pour sauvegarder l’ordre politique ? © Gabonreview

 

Dans les chaumières, l’affaire Nzouba-Ndama défraie toujours la chronique. Invariablement, trois interrogations reviennent : «Le pouvoir va-t-il se servir de cette histoire pour le disqualifier de la course à la présidence de la République ?» ; «quelle forme prend son assignation à résidence ?» ; «entrera-t-il de nouveau en possession de l’argent saisi ?» Au lendemain de l’interpellation-spectacle du président du parti Les Démocrates, certains avaient émis des doutes sur la régularité de la procédure. Se demandant s’il aurait subi un tel traitement quand il était un baron du Parti démocratique gabonais (PDG), d’autres avaient parlé de récupération politicienne. A la suite de son transfèrement vers Libreville, nombre d’observateurs avaient déploré la pusillanimité du parquet, dénonçant une inversion des rôles entre la gendarmerie et elle. Derrière ces questionnements surgissaient trois éléments constitutifs de l’Etat de droit : la séparation des pouvoirs, l’égalité de tous devant les règles de droit et la responsabilité des détenteurs de l’autorité publique.

Soupçons d’instrumentalisation

En dépit du silence de l’exécutif, on glose énormément sur une politisation de cette affaire. Après tout, on a vu un gendarme s’autoriser à filmer puis à diffuser la scène de l’interpellation, déclarant devoir «envoyer (la bande) à qui de droit.» Comme si le droit à l’image et le respect de la dignité humaine lui importaient peu. Comme si la présomption de culpabilité avait remplacé la présomption d’innocence. De même, on a entendu un substitut du procureur parler de «devise» et de «frontières de la Cémac (Communauté économique et monétaire des Etats d’Afrique centrale – NDLR)» là où il était question de monnaie locale et d’espace Cémac. Comme si elle voulait se lancer dans une interprétation fallacieuse des textes ou entendait construire un narratif à charge. Cerise sur le gâteau, on a été informé du refus des gendarmes d’appliquer une décision du procureur, lui imposant plutôt la leur.

Pour la crédibilité de la justice, la maîtrise de la procédure, des lois, des responsabilités des différents maillons et le respect des droits de la défense vont de pair. Les quolibets et grincements de dents suscités par les errements du substitut du procureur ou les outrances des gendarmes témoignent de la nécessité d’agir dans le respect des règles. Pour l’heure, les soupçons d’instrumentalisation politicienne s’ancrent chaque jour un peu plus. Confirmation de la liberté provisoire ordonnée par le procureur Franceville, l’assignation à résidence est vue comme un moyen pour les juges d’affirmer leur autorité en remettant les gendarmes à leur place tout en leur rappelant le lien de subordination entre le parquet et eux. Pour ainsi dire, l’affaire Nzouba-Ndama ne se limite plus à l’exportation de capitaux et à l’origine de ceux-ci. Elle touche maintenant aux relations entre les juges et leurs auxiliaires, singulièrement les officiers de police judiciaire.

Oukase ou à arrangement d’arrière-boutique

Même si le gouvernement feint de ne pas en avoir conscience, il faudra bien s’attaquer à cette question. Sur le contrôle de l’action des officiers de police judiciaire, sur leurs liens hiérarchiques et fonctionnels, comme sur les conséquences de leurs manquements ou les rapports entre le parquet et la hiérarchie militaire, il faudra tirer les choses au clair. Il faudra, tout autant, se pencher sur la responsabilité pénale, civile et administrative des gendarmes. Pour ne pas décrédibiliser l’action de la justice, pour éloigner les accusations de politisation, il faut ouvrir ce chantier. Pour ne pas alimenter l’idée d’un régime de l’arbitraire, il faut engager cette réflexion. Et le plus vite serait le mieux. Autrement, l’opinion aura toujours le sentiment d’être en face d’un règlement de comptes sur fond de lutte pour la conquête du pouvoir.

Les officiers de police judiciaire agissent-ils pour le maintien de l’ordre public ou pour sauvegarder l’ordre politique ? Sont-ils au service de la communauté nationale ou du gouvernement ? Contribuent-ils au règne de la justice ou à l’application d’ordres précis ? Obéissent-ils à la fois aux magistrats et à la hiérarchie militaire ou exclusivement à la seconde partie ? Sans réponse à ces questions, le verdict de l’affaire Nzouba-Ndama sera forcément assimilé ou à un oukase ou à un arrangement d’arrière-boutique. Tout dépendra de sa nature et de son libellé. Or, à quelques mois de la prochaine présidentielle, il convient de ne pas en rajouter au discrédit de la justice ou à la défiance vis-à-vis des forces de l’ordre. Pour cette seule raison, nul n’a intérêt à ne pas tirer les conséquences des fautes accumulées depuis l’interpellation du président du parti Les Démocrates.

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