Affaire Nzouba-Ndama : Le doute et le soupçon

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Les arguments avancés par le substitut du procureur de la République au tribunal de première instance de Franceville éludent de nombreux aspects.

Au regard de l’Acte additionnel 01/13-Cemac-070 U-CCE-SE du 31 octobre 2017 matérialisant «la libre circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes» dans la Cemac, en passant du Congo au Gabon Guy Nzouba-Ndama franchissait-il les «frontières de la Cemac» ou circulait-il à l’intérieur de cet ensemble ? © Gabonreview

 

Une fois de plus, on parle d’argent. Une fois de trop, la justice se donne en spectacle, étalant sa méconnaissance de certaines notions ou de la réglementation des changes dans l’espace de la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale (Cemac). On parle de devise au lieu de monnaie locale. On glose sur l’exigence d’une déclaration préalable au lieu de disserter sur la portée de la libre circulation. On met en scène la gendarmerie en lieu et place des douanes. On filme et diffuse sans se soucier du secret de l’instruction, du droit à l’image, de la présomption d’innocence ou de la protection de la dignité humaine. Comme l’opération Scorpion, l’affaire Nzouba-Ndama exhale un nauséabond parfum de règlements de comptes. Comme trop souvent, les magistrats laissent le sentiment d’être en mission commandée ou de vouloir abattre un ancien allié, passé à l’opposition.

Capharnaüm

Lors des procès de Christian Patrichi Tanasa et Ike Ngouoni Aïla Oyouomi, la justice avait refusé d’entendre certains témoins, donnant l’impression de protéger des personnalités nommément citées. Avec l’interpellation ultramédiatisée du président du parti Les Démocrates, elle donne suite à une procédure viciée. Depuis quand la gendarmerie est-elle en charge du contrôle de la qualité ou de la nature des biens en circulation ? N’est-ce pas le rôle des douanes ? Quelle valeur accordée à une procédure initiée par un service sans en avoir la qualité ? Ou quand on entend l’agent verbalisateur s’écrier : «Filmez. On va envoyer à qui de droit» ? N’est-ce pas la preuve d’une instrumentalisation des services de police ? Et pourquoi assimiler la monnaie locale à une devise ? N’est-ce pas le signe d’une volonté de se lancer dans une interprétation fallacieuse des textes ? Ou simplement la manifestation d’une certaine ignorance ?

Sur l’impartialité, l’indépendance et la compétence de certains magistrats, la procédure en cours ne rassure nullement. Elle ne donne pas non plus de la justice l’image d’un contrepoids à l’exécutif, mais celle d’un subordonné. Si des principes sont systématiquement foulés au pied, des notions sont galvaudées ou détournées de leur sens. Dans ce capharnaüm, certains en arrivent à douter du niveau et de la qualité de la formation dispensée à l’Ecole nationale de magistrature (ENM). En passant du Congo au Gabon, Guy Nzouba-Ndama franchissait-il les «frontières de la Cemac» ou circulait-il à l’intérieur de cet ensemble ? Était-il tenu de faire une déclaration auprès des services douaniers ou pouvait-il se prévaloir du droit à la libre circulation ? A ces questions, l’opinion oppose sa conviction : la Cemac étant un espace intégré, les arguments avancés par le substitut du procureur de la République au tribunal de première instance de Franceville s’écroulent d’eux-mêmes, semant le doute sur les réelles motivations de la justice.

Clarifier trois notions : devise, frontières de la Cemac et, libre circulation des capitaux

Comme le Congo, le Gabon est membre de la Cemac. En application de l’Acte additionnel 01/13-Cemac-070 U-CCE-SE, ces Etats ont pris, le 31 octobre 2017, une circulaire matérialisant «la libre circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes.» Quelles sont les implications d’un tel engagement ? N’exonère-t-il pas les détenteurs de capitaux d’une déclaration préalable ? Même en admettant une réponse négative, on peine à comprendre pourquoi la gendarmerie s’est-elle mêlée de cette affaire, les douaniers étant des agents assermentés disposant du pouvoir d’instrumenter ou de procéder à des saisies. De même, on cerne mal la qualification pénale de l’infraction éventuelle. Tout au plus, on envisage une faute administrative. En revanche, on se demande si le rôle de la douane ne devait pas se limiter à la vérification de l’authenticité des billets. Au lieu de rechercher l’origine de cet argent, ne fallait-il pas plutôt le passer au testeur de faux billets puis mettre en garde son détenteur contre une éventuelle thésaurisation ? A ce jour, nul n’évoque ces aspects.

Si elle ne veut pas davantage brouiller son image, la justice doit clarifier sa compréhension de trois notions : devise, frontières de la Cemac et, libre circulation des capitaux. Au-delà, elle doit se montrer plus précise sur le mandat de la douane et les raisons de l’implication de la gendarmerie. Faute de s’y employer, elle sera toujours accusée de céder aux pressions politiques. Après tout, Guy Nzouba-Ndama n’est pas le premier venu : ancien président de l’Assemblée nationale, il est aussi le leader de la deuxième force au Parlement. Dans la perspective de la prochaine présidentielle, il est présenté comme l’un des plus sérieux prétendants. Ceci expliquerait-il cela ? A la justice de dissiper le soupçon.

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