Achille Mbembe: Il Faut «relancer L'agenda Démocratique Sur Le Continent»

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Publié le 06.10.2022 à 14h12 par Achille Mbembe

Près d’un an après le sommet Afrique-France de Montpellier, les travaux continuent en Afrique, avec des cycles de forums prévus dans différents pays. Un premier dialogue est organisé en Afrique du Sud à partir du 7 octobre, autour du thème de la démocratie. Et c’est à cette occasion que le philosophe et historien camerounais Achille Mbembe, cheville ouvrière du sommet, lance l’une des propositions phares de son rapport remis au président français Emmanuel Macron.

RFI : Vous lancez ce jeudi la Fondation de l’innovation pour la démocratie, une idée qui avait émergé de vos recommandations en amont du sommet Afrique-France en 2021. En quoi consiste cette fondation ?

Achille Mbembe : Comme vous le dites, c’était la toute première recommandation. L’idée était de se doter d’un outil dédié à appuyer les efforts des Africains en matière de démocratisation. La fondation ne financera pas du tout les partis d’opposition. Son objectif est de relancer l’agenda démocratique sur le continent en partant des expériences qui sont d’ores et déjà en cours, et en aidant les collectifs qui essaient de transformer la vie dans leurs territoires respectifs.

La France a déjà doté ce fonds de 30 millions d’euros sur trois ans et ce fonds ne sera pas directement piloté par le gouvernement…

Non. Pas du tout. L’idée, c’est une idée africaine avec une gouvernance partagée. Dans le conseil d’administration de la fondation, on retrouve autant d’Africains que de Français, que d’Européens.

On observe sur le continent une méfiance et des critiques de plus en plus fortes vis-à-vis de la France, sommée de quitter le Mali, ou régulièrement prise à partie comme récemment au Burkina Faso suite au niveau coup d’État. Pensez-vous que ces nouveaux cycles de dialogue et de débats ont encore la force de changer ces relations déjà envenimées ?

Oui, on ne s’y serait pas engagé si on ne croyait pas que d’autres alternatives sont possibles. Il y a effectivement un rejet d’une certaine idée de la France qui se développe au sein de plusieurs couches de la population africaine, y compris au niveau des élites. Mais, il y a également une volonté de la part d’un très grand nombre de professionnels de relancer ces relations. Ceci exige qu’on se réarme intellectuellement et qu’on soit capable de mettre sur la table de nouvelles idées pour le bien des peuples africains et des peuples français et européens.

Au Sahel, beaucoup reprochent aux militaires français de ne pas avoir réussi à éliminer les jihadistes au bout de 10 ans. Êtes-vous pour ou contre la présence militaire française en Afrique ?

De graves questions se posent aujourd’hui sur le continent concernant la légitimité de la présence militaire française en Afrique et celle, évidemment, des interventions militaires en Afrique. Il faut se saisir de ces deux questions à bras-le-corps, voir avec les acteurs africains eux-mêmes comment est-ce qu’on peut arriver à une nouvelle donne dans ce domaine, comme on essaie de le faire dans le domaine de la coopération financière avec le franc CFA ou de la coopération culturelle.

Au Burkina Faso, on a un nouveau coup d’État qui vient signer un peu plus le recul de la démocratie. Quelles sont les solutions pour sortir de cette multiplication des putschs militaires ?

Il faut redonner l’initiative aux citoyens africains. Il n’y a pas d’autres choix. Les coups d’État militaires, ce sont des culs-de-sac. La seule voie possible aujourd’hui pour que l’Afrique sorte de ces violences à répétition, c’est la démocratisation des sociétés africaines.

En termes de défense de la démocratie, la France est aussi critiquée pour son double discours, condamnant d’un côté les putschistes du Mali ou de la Guinée, mais apportant son soutien au clan Déby au Tchad. Peut-il vraiment avoir des rapports apaisés alors que chacun cherche à protéger ses intérêts ?

Il me semble que ce sont des critiques raisonnables. On ne peut pas dire une chose au sujet du Tchad et une autre au sujet du Burkina ou de la Guinée. Il faudra harmoniser tout cela et aller de l’avant. Je ne vois pas d’autres choix.

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